« La cité est ancrée au cœur d’une crique qui s’agrandit au rythme des marées. Tout du long protégée par une maigre fortification de pierre blanchâtre surmontée d’une palissade de bois, la cité s’est développée autour de trois baies importantes aux fonctions dissociées. La première baie, celle qui est située très au nord de la cité est peuplée des artisans de tout le royaume qui y construisent à toute saison les nouveaux bâtiments d’exploration destinés à la marine royale. Le quartier est pour le moins malpropre et les habitats des artisans du chantier recouvert de la poussière de bois jouxtent plusieurs grandes forges d’où émanent fumée et cendre chaude ainsi que les pièces métalliques parfois gigantesques sur lesquelles travaillent dans la journée près de cinquante hommes. On trouve au plus proche des murs d’enceinte deux ou trois échoppes commerçantes, deux ou trois aludiers de grand renom, un albergeur qui propose des chambres à la bourse de tous les vagabonds et en dessous des chambres des apprentis charpentiers et quelques fougassiers et espiciers pour remplir son sac de mets terrestres.

La deuxième baie est nettement plus riche que sa voisine. Le port est moins étendu mais dotés des bâtiments les plus luxueux de la cité, on s’abrite d’ailleurs lors des jours pluvieux sous les terrasses de bois des belles demeures des architectes et des quelques grands appareilleurs de la cité. Des métiers nobles et très importants pour une cité comme Balti. Leurs demeures à encorbellement hautes de plus de trois étages dominent les sentiers pavés le long du port ou sont entreposés pèle mêle les navires du roi mais aussi les bâtiments des émissaires. Tout près du port, à proximité de la grande halle ou l’on vient chercher nourriture, poisson surtout et quelques mets plus exotiques rapportés par delà la mer s’étalent à l’intérieur d’une large cour ouverte sur le ciel marin, un large forum de magasins de toute nature ; boursier, chaudronnier, chemisier, coutelier et même l’officine de l’armurier qui fait le renom de cette cité. Au plus proche des enceintes l’inconnu s’aventure au travers d’étroits goulets d’habitations de maître charpentiers mais peut rejoindre à tout moment la rue principale qui mène à la porte de pierre de l’enceinte de la ville. A l’extérieure de celle-ci gît entrelacés dans un amas de chaumière d’éleveurs un gigantesque caravansérail fortifié qui recueillent le jour comme la nuit les marchandises des voyageurs venus échanger leurs produits de l’intérieur des terres contre les produits rapportés par les navigateur.

La troisième baie enfin est sans doute la moins intéressante pour un commerçant tel que moi. On n’y trouve que des habitations de pêcheurs, de quelques ouvriers et en dehors de quelques bons drapiers et autres éperonniers les autres commerces servent davantage de façade au marché noir qu’aux honnêtes commerçants. Les maigres embarcations de pêche s’amoncellent sur le petit port munit de pontons de bois rafistolés où traînent le jour les honnêtes marins et la nuit les éternels videurs de taverne et les « vidés » lancés à la mer lorsqu’ils n’ont pas payé assez cher leur consommation.»

Extrait du livre des comptes de Shoadon, commerçant itinérant.